EPIPAGE 1 (1997) |
![]() |
L'étudeLes dernières années ont montré une tendance à l'augmentation de la prématurité et de la grande prématurité. La grande prématurité est définie par une naissance avant 33 semaines d'âge gestationnel ce qui correspond à une naissance avant la fin du 7ème mois de grossesse. Près de 7000 enfants naissent grands prématurés chaque année en France. La grande prématurité se situait à 1.3% des naissances en 1995 et 1.5% en 1998. Les progrès réalisés dans la prise en charge des enfants après la naissance ont contribué à améliorer la survie des enfants grands prématurés. Les connaissances sur le développement de ces enfants sont encore limitées. Peu de recherches ont été réalisées en France sur le devenir des enfants et aucune étude n'est allée au delà de 2 ans. C'est pourquoi l'Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale (INSERM) a lancé depuis janvier 1997 une grande étude de cohorte intitulée Epipage. |
|
L'objectif principal de l'étude est de pouvoir apprécier le devenir des enfants grands prématurés.
L'étude a aussi pour but d'estimer la fréquence de la grande prématurité, la fréquence des pathologies de la période néonatale et la survie des enfants, d'étudier les causes de la grande prématurité, décrire la prise en charge obstétricale et néonatale vis à vis de la grande prématurité, évaluer les conséquences pour la famille de l'accueil et la prise en charge de ces enfants.
La population étudiée comprend l'ensemble des naissances d' enfants grands prématurés, naissances survenues entre 22 et 32 semaines d'âge gestationnel ou avec un poids de naissance inférieur à 1 500 grammes dans 9 régions de France : Alsace, Franche-Comté, Languedoc-Roussillon, Lorraine, Midi-Pyrénées, Nord-Pas-de Calais, Haute-Normandie, Pays de Loire et Paris et petite Couronne en 1997. Deux groupes de comparaison ont été constitués : un groupe de naissances à 33-34 semaines et un groupe de naissances à terme.
Parmi les enfants grands prématurés, 96% des parents ont accepté de participer à l'étude. Au total 2573 enfants grands prématurés, 347 enfants nés à 33 ou 34 semaines d'âge gestationnel et 558 enfants nés à terme sont inclus dans le suivi de l'étude.
Entre la sortie de l'hôpital et l'âge de 5 ans, des contacts ont été établis avec les familles afin de recueillir des informations sur la santé et le développement de l'enfant : 2 mois après la sortie de l'hôpital, aux âges de 9 mois, 1 an, 2, 3 et 4 ans. A 5 ans un bilan de santé de l'enfant est proposé aux familles. Ce bilan prévoit un examen médical et un examen fait par un(e) psychologue. Actuellement près de 80% des familles participent à l'étude.
Dans les pays européens, de 1,1% à 1,6% des enfants nés vivants sont des grands prématurés, c'est-à-dire nés avant la fin du 7ème mois de grossesse ou avant 33 semaines de grossesse révolues. Divers facteurs expliquent une légère augmentation de leur nombre au fil des ans : plus de grossesses multiples et de traitements de l'infertilité, des maternités plus tardives, mais aussi des progrès réalisés dans la prise en charge médicale de ces enfants.
En France, près de 10 000 enfants naissent grands prématurés chaque année. Peu de recherches ont été réalisées sur leur devenir en France et peu d'études de grande ampleur existent au niveau international ; c'est pourquoi l'Unité Inserm 149 a lancé en 1997 une grande étude intitulée EPIPAGE (Enquête épidémiologique sur les petits âges gestationnels) coordonnée par Béatrice Larroque.
L'ensemble des enfants grands prématurés nés en 1997 entre 22 et 32 semaines complètes de grossesse dans 9 régions françaises (1) ont ainsi été inclus dans l'étude. Au total, 2382 enfants ont été suivis depuis leur sortie de l'hôpital. En parallèle, un groupe de référence de 666 enfants nés à terme a été constitué afin de permettre des comparaisons à différents âges du suivi.
Entre la sortie de l'hôpital et l'âge de 5 ans, des contacts ont été établis avec les familles afin de recueillir des informations sur la santé et le développement de l'enfant : 2 mois après la sortie de l'hôpital, aux âges de 9 mois, 1 an, 2, 3 et 4 ans.
A 5 ans, un bilan de santé conçu pour l'étude a pu être réalisé pour 1817 anciens grands prématurés du groupe initial et 396 enfants nés à terme du groupe de référence. Après un examen clinique de l'enfant incluant un examen neurologique standardisé, un test de la vision et un entretien avec les parents, deux questionnaires ont été remplis : l'un par le médecin, l'autre par la famille concernant la santé de l'enfant et son environnement familial. Une évaluation des capacités cognitives de l'enfant a été menée par un psychologue.
Pour les 1817 enfants nés grands prématurés étudiés, les résultats obtenus à l'âge de 5 ans sont les suivants :
Bien que le taux de mortalité des grands prématurés ait fortement diminué avec les progrès réalisés dans leur prise en charge médicale pré- et post-natale, un tiers des anciens grands prématurés requièrent toujours une prise en charge médicale ou paramédicale spécifique à 5 ans. 42% des enfants nés entre 24 et 28 semaines de grossesse et 31% de ceux nés entre 29 et 32 semaines nécessitent une prise en charge médicale ou paramédicale spécifique à 5 ans, contre 16% de ceux nés à terme.
Au total, presque 40% de ces anciens grands prématurés présentent une déficience motrice, sensorielle ou cognitive. Les taux de déficience sévère, modérée et légère s'élevant respectivement à 5%, 9% et 25%.
9% de ces anciens grands prématurés présentent une paralysie cérébrale (Infirmité motrice cérébrale se traduisant par des troubles moteurs). Un tiers de ces enfants ne marchent pas ou marchent seulement avec une aide.
32% ont obtenu un score de capacités cognitives (équivalent au Q.I) inférieur à 85 et 12% un score inférieur à 70, contre 12% et 3% respectivement dans le groupe de référence ; environ 5% des grands prématurés contre seulement 2% du groupe de référence n'ont pas achevé le test. Les difficultés cognitives des grands prématurés, qui risquent de les exposer à des troubles des apprentissages lors de leur scolarisation, ont pu de ce fait être sous-estimées.
1% seulement présentent des déficiences visuelles sévères (vision inférieure à 3/10 aux deux yeux).
Les taux de déficience sont d'autant plus élevés que les enfants sont nés plus prématurément, tant pour les déficiences motrices que pour les déficiences visuelles ou cognitives. Ainsi, 18% des enfants nés à 24-26 semaines de grossesse présentent une paralysie cérébrale à 5 ans, contre 12% de ceux nés à 29 semaines et 4% de ceux nés à 32 semaines.
Bien que le taux de mortalité des grands prématurés ait fortement diminué avec les progrès réalisés dans leur prise en charge médicale pré- et post-natale, l'enquête montre donc que près d'un tiers de ces anciens grands prématurés requièrent encore à 5 ans une prise en charge spécialisée. Si les études précédentes avaient fourni des données globales sur la santé des enfants nés très prématurément ou avec un très faible poids de naissance, l'enquête EPIPAGE met pour la première fois en rapport de manière détaillée le taux de déficience avec la durée de la grossesse. Les chercheurs montrent en effet que chaque semaine de grossesse en plus permet de réduire le risque de déficience.
Toutefois, bien que le risque de déficience à 5 ans soit moins élevé chez les enfants nés entre 29 et 32 semaines de grossesse, la majorité des grands prématurés naît dans cette période de grossesse. De fait, 60% des grands prématurés de l'étude EPIPAGE présentant à 5 ans des déficiences sévères à modérées étaient nés entre 29 et 32 semaines de grossesse.
Les chercheurs estiment que "prévenir les troubles d'apprentissage associés aux déficits cognitifs dans ce groupe représente un réel défi pour la médecine périnatale actuelle".
Notes :
(1) Alsace, Franche-Comté, Languedoc-Roussillon, Lorraine, Midi-Pyrénées, Nord-Pas-de Calais, Haute-Normandie, Pays de Loire, Paris et petite Couronne.